Tout savoir sur le micromanagement

 

Dans la longue liste des travers dans lesquels il faut éviter de tomber dans le management, que l’on soit le manager ou le managé, le micromanagement prône certainement dans les meilleures places.

J’ai voulu parler de ce sujet en m’adressant particulièrement aux managers débutants, ou futurs managers. Ceux pour qui il est encore le plus simple d’éviter de se faire piéger par les mauvaises habitudes qui caractérisent le micromanagement. Mais j’espère que ce post pourra aussi être utile à tous ceux qui sont, ou ont été, concernés par ce phénomène. Que ce soit pour le subir, ou l’imposer aux autres.

Quelques mots tout d’abord sur la façon dont j’ai construit ce post :

Je vais d’abord rentrer un peu dans les détails de ce qu’est le micromanagement, avec les symptômes et les conséquences négatives qui lui sont généralement associés.

Je raconterai ensuite comment j’ai moi-même eu le défaut de l’entrepreneur qui a du mal à sortir du micromanagement forcé des débuts, les circonstances qui m’ont permis de m’en éloigner, et les raisons pour lesquelles cela se situe aujourd’hui aux antipodes de ma conception de l’accompagnement de mes collaborateurs.

J’aborderai dans la troisième partie quelques astuces et réflexions à destination des managers qui se reconnaîtront, au moins partiellement, dans les défauts du micro-manager.

Le micromanagement et ses symptômes

Si l’on prend la définition de micromanagement de Wikipedia, c’est «  un style de management où le manager observe ou contrôle étroitement le travail de ses subordonnés ou employés. Ce type de management se caractérise par un contrôle excessif, ou donnant trop d’attention aux détails. »

Tout est dans ce « contrôle » qui, s’il s’agit d’une notion normalement parfaitement intégrée à un management équilibré, prend ici des proportions destructrices avec un micro-manager qui poussera le curseur au-delà du raisonnable.

Comment cela se traduit-il concrètement ?

Un premier niveau de contrôle pour un certain type de micro-manager est de faire les choses lui-même. Il a une réelle difficulté, voire une incapacité à déléguer. Il décide de réaliser une tâche plutôt que d’accepter d’en céder la responsabilité à l’un de ses collaborateurs. C’est par exemple fréquemment le cas pour une petite société qui démarre et au sein de laquelle un fondateur peut avoir du mal à « lâcher prise » lorsque les premiers collaborateurs sont recrutés (voir plus loin ma propre expérience).

Les excuses invoquées seront généralement de deux types : « c’est plus efficace si je le fais moi-même, je vais perdre trop de temps à expliquer comment faire à quelqu’un d’autre » et « je préfère le faire pour être sûr que ce soit bien fait (ou que ça corresponde à ce que j’attends) ».

– Puisqu’il faut bien qu’il donne du travail aux personnes recrutées, un deuxième niveau de contrôle est pour le micro-manager de donner des consignes très détaillées, laissant peu de place à de réelles discussions, et finissant généralement par imposer sa propre vision des objectifs, et surtout du chemin pour les attendre. Il orientera tout pour que l’exécution soit la plus proche possible de ce qu’il aurait fait lui-même.

 Micromanagement– Enfin, le troisième niveau de contrôle du micro-manager se traduit par une exigence de reporting et la mise en place systématique de processus de vérification. Il souhaite être invité à toutes les réunions où des décisions sont susceptibles d’être prises, à tous les points d’étape des projets de son équipe. Il demande aussi à être mis en copie des emails concernant ces mêmes projets et s’exprimera dans la plupart des échanges, qu’il y ait été invité ou non. Il contrôlera autant que possible la nature du travail de chacun et sera souvent réfractaire à des particularités du type horaires flexibles ou télétravail qui rendent ce contrôle plus complexe.

 – L’une des caractéristiques communes aux micro-managers, à des degrés divers, est un déni de leur état. Ils considèrent comme normal de fonctionner avec les niveaux de contrôles qu’ils ont mis en place et justifieront leurs méthodes le plus rationnellement possible (équipe trop junior qui a besoin d’être très encadrée, deadlines trop fortes pour prendre le risque de laisser la main à d’autres, pression de reporting de leur propre management, etc.).

Il faut noter ici que les excuses évoquées peuvent être parfaitement réelles et bien à l’origine des insécurités qui génèrent leur micromanagement, ce qui ne démontre pas pour autant que leur approche est la bonne pour traiter les problèmes en question.

Les conséquences directes :

Selon les managers concernés, le curseur de contrôle sera plus ou moins marqué, mais les conséquences immédiates seront généralement toutes du même ordre :

Le manque de confiance apparent pour l’équipe et la négation de tout esprit d’initiative et d’innovation ont des conséquences terribles sur le moral des collaborateurs. Je reviendrai plus en détail sur ce point essentiel.

– De manière mécanique, le micro-manager devient un goulot d’étranglement évident dans tous les projets dans lequel il se place comme point de validation de la plupart des décisions. La capacité de production de la société est directement limitée par ce simple fait.

– A vouloir être impliqué partout, tout le temps, on fait forcément des erreurs. Et une équipe trop souvent brimée dans son esprit d’initiative ne prendra même plus la peine de lever le doigt pour les signaler. La qualité de la production de la société s’en trouve donc pénalisée, et c’est généralement une dégradation qui ne fait que s’amplifier au fil du temps.

– La plupart des collaborateurs ainsi limités dans leurs capacité d’action et d’initiative ne tolèrent généralement qu’un temps cette contrainte et le turnover de la société s’en trouve augmenté, particulièrement parmi ceux qui ont connu des expériences de management plus positives. Un désagrément dont on connaît les conséquences coûteuses pour toute société.

– L’un des dommages collatéraux du manque de recul du micro-manager toujours plongé dans les petits détails opérationnels est sa difficulté à prendre suffisamment de recul sur le plan d’action de son équipe. Cela peut se traduire par des erreurs dans la gestion des priorités.

On peut constater à quel point il est dangereux pour une entreprise qu’un manager occupant une position clef devienne la source des problèmes que nous venons de lister.

Micromanagement

Mon expérience de micro-manager repenti

Je me permets de partager de nouveau un passage de la définition de micromanagement dans Wikipedia pour parler des origines possibles de ce comportement :

Le micromanagement peut résulter de causes internes, comme le souci du détail, l’incompétence ou l’insécurité. Alors que les principaux facteurs sont internes et sont liées à la personnalité du manager, il peut également être attribué en partie à des pressions extérieures telles que la culture organisationnelle, une forte pression sur les délais, une pression grandissante sur la performance, l’instabilité du poste de manager, la lourdeur de l’environnement réglementaire, etc.

Les causes peuvent donc être diverses et facilement se cumuler (un manager incompétent soumis à une forte pression sur les délais dans une organisation particulièrement lourde dans ses procédures est une parfaite recette pour le désastre).

Je ne vais pas prétendre avoir une expertise particulière pour parler des différentes origines du problème, mais je peux au moins parler de ma propre expérience. Je suis moi-même passé par une phase durant laquelle je présentais un certain nombre de symptômes du micromanagement.

Lorsque vous entreprenez, vous vous retrouvez dans un premier temps à faire tous les jobs vous-même. Les fondateurs représentent l’unique capacité de production de la société et ne peuvent compter que sur eux-mêmes. C’est une situation que j’ai connu durant pas mal de temps dans ma première entreprise. Arrivent les premiers collaborateurs et vous vous retrouvez bombardé de facto manager.

MicromanagementIl est alors facile de rester dans la même recette opérationnelle qu’au début, impliqué dans toutes les tâches, présent sur tous les fronts, à ne vouloir lâcher aucun contrôle. Dans mon cas il me semblait souvent plus rapide et plus efficace de faire une tâche moi-même plutôt que de prendre assez de temps pour former et responsabiliser un collaborateur et déléguer cette tâche.

Puis j’ai traversé une prise de conscience progressive lorsque, quelques collaborateurs supplémentaires plus tard, des initiatives particulièrement intéressantes ont commencé à naître dans la société sans que j’en ai immédiatement connaissance.

Dans ma première startup, une partie de l’équipe technique avait des horaires assez chaotiques et une moyenne d’âge de 25 ans. Les journées se prolongeaient souvent la nuit dans des ambiances décontractées et c’est dans ces moments, généralement lorsque je n’étais pas là, qu’ils ont commencé à prendre l’initiative de construire des outils qui leur semblaient importants pour travailler plus efficacement, d’ajouter des fonctionnalités inattendues au produit ou de challenger des décisions d’architecture pour faire progresser la plateforme technologique.

J’ai commencé à voir d’excellentes choses apparaître spontanément. Je pouvais les découvrir le matin même ou quelques jours, voire quelques semaines plus tard. Des initiatives inattendues (pour moi en tout cas), souvent imparfaites, mais généralement à fort potentiel et toujours issues de très bonnes intentions.

C’est dans cette période que je pense avoir pris la direction qui m’a emmené au style de management que je pratique toujours aujourd’hui. J’ai admis qu’il y avait rapidement un point où l’on doit lâcher prise, faire confiance et prendre assez de recul et de hauteur pour ne plus servir que de guide et de garde-fou. Ce fût un travail d’humilité très enrichissant.

Résister à cela, et au contraire resserrer l’étau pour ‘reprendre le contrôle’ sur de telles initiatives qui ne m’incluaient pas, m’auraient remis droit sur les rails d’un management contre-productif et mes quinze années suivantes d’entrepreneuriat n’auraient sûrement pas été les mêmes.

Mon micromanagement de début de carrière était donc, je pense, directement lié à mon manque d’expérience et à l’incompétence en tant que manager qui en découlait. C’est le terrain, et l’influence positive de mes équipes – et de mes associés – qui m’ont permis de suivre la voie d’un management basé sur la confiance et la bienveillance.

Pourquoi est-ce grave pour les micro-managés ?

Pour l’équipe ainsi opprimée, les conséquences sont évidentes : cela équivaut à lui répéter sans cesse qu’elle n’a pas la confiance de son manager et que son travail n’est pas suffisamment respecté. Cela la dépossède littéralement des responsabilités dont elle aurait légitimement du hériter.

MicromanagementSur la durée ce sont l’esprit d’initiative et d’innovation qui sont littéralement effacés : à force de se voir refuser leurs idées, ou le simple fait de pouvoir passer du temps à réfléchir à des solutions alternatives, le collaborateur n’aura même plus la volonté de faire ce type d’effort. Il restera frustré et l’entreprise se verra privée d’une partie de sa capacité d’innovation.

Sur le plan du développement personnel, un tel enfermement intellectuel empêche le collaborateur d’évoluer, de révéler un potentiel. Nous savons tous que le salaire n’est pas la seule chose qui nous amène à travailler pour une entreprise. Il est légitime, et souhaitable, d’en attendre aussi une expérience formatrice, permettant à chacun d’évoluer dans ses connaissances, ses responsabilités et d’être intellectuellement stimulé.

Il n’y a rien de pire qu’un collaborateur désireux d’apprendre qui se retrouve coincé plusieurs années dans l’équipe d’un micro-manager !

Je suis micro-manager, que faire docteur ?

Si vous avez conscience d’être vous-même enclin à tout ou partie des mauvaises habitudes dont nous parlons depuis le début, que pouvez-vous faire face à cela ?

Tout d’abord, rassurez-vous : si vous n’êtes pas dans le déni total, c’est que vous n’avez pas passé de point de non-retour.

Comme le précise Wikipedia dans l’extrait énoncé précédemment, le micromanagement provient souvent d’insécurités ou de craintes que l’on cherche à compenser par un contrôle excessif. Parfois cela provient d’une forte pression exercée sur vous par l’organisation autour de vous : une deadline particulièrement agressive, votre propre manager qui vous met trop de pression.

Quelle que soit la cause que vous pouvez identifier vous concernant, essayez d’attaquer le problème à la source : négociez une deadline plus réaliste, retournez discuter des attentes de votre propre manager si sa pression n’est pas justifiée, etc.

Dans tous les cas, vous devez prendre conscience des conséquences négatives que cet excès de contrôle peut avoir pour votre entreprise, mais aussi pour vous-même.

– Pour l’entreprise : ne pas déléguer suffisamment revient à décider volontairement de devenir un goulot d’étranglement dans l’organisation, et à la freiner. Ce n’est pas ce qui est attendu d’un entrepreneur ou d’un manager si d’autres compétences sont disponibles autour de lui pour l’aider à atteindre les objectifs.

– Pour votre propre équilibre : le micromanagement augmente considérablement la pression sur vous et multiplie mécaniquement votre charge de travail, pour une capacité de production qui sera forcément en dessous de ce que vous seriez en droit d’attendre de votre propre équipe.

Pour assouvir un besoin de contrôle, le micro-manager limite clairement sa propre capacité de production en plus de celle de ses équipes. Difficile pour lui d’assumer de plus larges responsabilités, ou de véritablement obtenir l’adhésion de ses équipes sans se remettre en question.

Si vous avez toujours l’impression que vos collaborateurs ne fourniront pas un travail à la hauteur de vos attentes, revoyez vos exigences de manière réaliste. Et gardez à l’esprit le fameux « better done than perfect ». Il y a de bonnes chances que vous soyez très positivement surpris par ce que vous obtiendrez de vos collaborateurs si vous leur laissez une vraie chance de s’exprimer dans leur travail.

Si vous avez objectivement un problème de compétence dans votre équipe, alors attaquez-vous à ce problème avec les moyens à votre disposition. Mais ne le laissez pas perdurer au prix de la qualité de votre propre travail. Cela ne rend pas plus service à l’entreprise qu’aux collaborateurs concernés.

MentorPensez aussi à l’exemple que vous donnez à d’autres managers potentiels dans l’entreprise. Particulièrement si vous êtes l’un des fondateurs de la société. Si vous vous projetez dans l’avenir, vous imaginez probablement que certains collaborateurs pourront prendre des positions de managers dans votre organisation. Essayez de prendre le recul nécessaire pour voir comment ils perçoivent votre action en tant que manager. Est-elle à suffisamment à la hauteur pour les inspirer et leur donner envie de fonctionner comme vous ?

S’imaginer comme un mentor potentiel pour de futurs managers est une bonne motivation pour s’ouvrir à l’auto-critique et s’améliorer.

Enfin, prenez conscience de la valeur de votre temps, et de celle de vos collaborateurs. Chacun dans une entreprise devrait régulièrement se poser la question de la valeur de son temps, à la fois pour l’entreprise et pour soi.

Est-il vraiment utilisé de façon à créer le maximum de valeur pour les deux ?

Lorsque vous épluchez les reportings des tâches quotidiennes de vos collaborateurs, que vous dépilez les emails dans lesquels vous avez été mis en copie à votre demande mais qui ne vous seraient pas adressés en temps normal ou que vous vous invitez à des réunions de mise au point dans lesquels siègent déjà les bonnes personnes, est-ce le meilleur usage de votre temps ?

Et si vous aviez encore besoin d’un dernier argument, des études scientifiques commencent à démontrer que la présence de contrôles accrus sur des collaborateurs dans le cadre de métiers déjà exigeants à la base jette indéniablement de l’huile sur le feu et augmente le facteur de risque sur leur santé.

Micro-conclusion

J’espère que ce post aura contribué à sensibiliser les uns et les autres aux risques du micromanagement.

Pour les collaborateurs concernés, qui doivent faire le forcing pour prendre des initiatives ou ouvrir la discussion pour inciter leur manager à changer. Ou bien fuir à toutes jambes si la situation ne s’améliore pas, car notre temps est trop précieux pour être ainsi gâché.

Pour les managers pris en flagrant délit, pour qui il n’est jamais trop tard pour changer, et qui doivent se remettre en question. Et croyez-moi sur parole, le management débarrassé de son « micro » est beaucoup plus épanouissant !

En attendant vos commentaires et vos propres expériences du micromanagement, je vous laisse avec une citation de Saint-Exupéry, qui avait visiblement tout compris :

« Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le coeur de tes hommes et femmes le désir de la mer. »

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