Répartition du capital entre fondateurs : la fausse bonne idée de l’égalité

Les débuts d’une startup génèrent une montagne de questions et de décisions à prendre. Trop souvent, et particulièrement lors de leur première entreprise, les fondateurs négligent l’importance de prendre le temps de réflexion nécessaire à la répartition du capital entre eux.

Répartition du capital entre les fondateursPourtant celle-ci ne va pas toujours de soi. Et certains préféreront repousser, voire éviter, des discussions ou des confrontations difficiles autour de qui apporte quoi, qui assumera quel rôle dans l’entreprise et qui doit avoir combien au capital. A la place ils attaqueront directement des sujets comme le modèle économique, le produit ou leurs futurs clients.

Il en résulte ce qui est souvent l’une des plus mauvaises bases de départ pour une startup lorsqu’elle est faite par défaut : une répartition du capital à égalité entre tous les fondateurs.

L’approche peut leur sembler naturelle au moment où ils se sentent tous également investis lors des discussions passionnées qui ont lieu à la terrasse d’un café. Tout le monde dans le même bateau. Tout le monde s’y met à fond. Et chacun accepte ce partage total comme gage de bonne volonté.

Plusieurs raisons plaident contre le fait d’adopter par défaut cette approche. Je ne souhaite pas dire ici qu’une répartition égalitaire ne peut pas être adaptée à certaines situations. Je pense juste qu’il doit y avoir un rationnel derrière. Et que cela mérite d’y consacrer le temps d’une vraie réflexion.

L’égalité du capital entre fondateurs rend rarement justice à la réalité

Peu après les premiers échanges qui mènent à la concrétisation du projet, les circonstances et les implications individuelles vont se mesurer différemment.

L’un a quitté son job pour s’investir à plein temps. Un autre n’a pas pu se le permettre ou n’a pas souhaité prendre le risque. Un associé a apporté l’idée. Un autre dispose des compétences techniques qui permettront de faire le premier produit. Le premier prospect idéal est dans le réseau proche de l’un. Tandis qu’un autre apporte l’expérience d’avoir déjà entrepris par le passé.

L’equity n’est pas indexée sur le respect que s’accordent les associés entre eux. Elle n’est pas non plus là pour mesurer un niveau de motivation ou de bonne volonté. Elle est une mesure relative de la valeur immédiate et potentielle que chacun apporte au projet.

Il faut passer tous les composants que chacun apporte dans la balance au prisme de la question : « De quoi a besoin le projet pour se lancer ?« .

On doit en extrapoler ce que chacun apporte de pertinent pour le projet. Et trouver des points de valorisation et de comparaison entre ces composants.

Puis il faut faire le même exercice au futur : « De quoi aura besoin le projet dans les trois ou cinq prochaines années pour réussir ?« . Et là encore passer au crible l’impact que chaque associé va avoir sur la structure au regard de ce qu’il apporte.

Ce genre de réflexion n’est pas simple, et peut mener à des débats houleux et à des frustrations. Il n’y a pas règles établies ou de matrices miracles pour s’aider. Au mieux quelques outils en ligne peuvent servir d’inspiration. Et la part de subjectivité n’est bien sûr pas négligeable.

Il faut prendre cela comme un premier test de prise de décision collective pour les fondateurs. Aussi imparfait que soit l’exercice, il sera toujours plus constructif qu’une répartition aveuglément égalitaire.

Les investisseurs vont froncer les sourcils

Lorsqu’un fond d’investissement regardera votre dossier, vous pouvez être certain qu’il va froncer les sourcils si il y trouve un 25/25/25/25 ou un 33/33/33 dans la répartition du capital entre les fondateurs.

Et tout le monde sait que les sourcils sont un indicateur fiable de vos chances de lever des fonds.

Pour un investisseur, l’équipe de fondateurs est l’un des éléments les plus déterminants dans sa décision de sélectionner un dossier.

Une cap table qui montre une égalité parfaite entre les fondateurs va commencer par semer le doute. Les associés pensent-ils réellement avoir tous le même niveau d’implication et de valeur dans le projet ? Se sont-ils seulement posés cette question ? Ont-ils évité un sujet qui fâche et qui risque d’exploser plus tard ? Si oui, comment vont-ils gérer les décisions importantes à venir ?

Une cap table qui montre plus clairement l’engagement et l’apport de chacun dans le projet, et qui pourra être rationnellement commentée, va rassurer. Même si les investisseurs expérimentés savent très bien qu’il est impossible d’avoir une juste photographie des choses.

Sur une note parallèle, la question du leadership parmi les fondateurs peut vite devenir un sujet épineux si il n’a pas été lui aussi rationnellement défini à la naissance du projet. Et là encore, la cap table devrait, sauf exception justifiable, aider à le confirmer.

Un doute ou une ambiguïté trop prononcée sur la répartition du capital ou sur le leadership peut être une raison suffisante pour qu’un fond d’investissement, qui reçoit une montagne de dossier chaque année, préfère écarter le vôtre.

Par ailleurs, au-delà des investisseurs, une répartition du capital bien pensée permet d’avoir une meilleure base, et un framework de réflexion déjà établi, pour accueillir dans de bonnes conditions tout nouvel associé dont le projet aura besoin.

La vie est longue, pensez au vesting.

Au delà de la quantité d’action attribuée à chacun, il ne faut pas négliger non plus la dimension du temps.

Au début du projet, le niveau de motivation est élevé et généralement partagé par tous. Mais, pour des raisons diverses, il n’est pas rare que certains décident de quitter l’aventure dans les années fondatrices.

La vesting period, ou période de blocage, permet de lier une notion de durée d’engagement individuel à la libération des actions pour un associé. Il s’agit d’une clause contractuelle parfaitement standard dans les stock options, mais trop peu utilisée par les entrepreneurs qui se lancent.

Par ailleurs, dans le cas de fondateurs qui ne se connaissent pas encore bien, c’est aussi une manière de se rassurer mutuellement et de sécuriser le projet.

Et dernier bonus, cela contribuera bien sûr à la bienveillance des sourcils des investisseurs qui regarderont votre dossier.

En conclusion, prenez le temps de la réflexion.

Fondateurs, offrez-vous le temps de la réflexion.

Même si ce n’est pas le chemin le plus facile. Même si votre état d’esprit est plutôt enclin à un partage égal entre vous.

Vous en conclurez peut-être que vos apports au projet sont parfaitement comparables et vous resterez sur une idée d’équité. Vous aurez toutefois fait la démarche nécessaire à y apposer un rationnel, et vous saurez l’expliquer.

Mais si l’on regarde les éléments que chacun apporte plus en détail, la réalité est souvent différente. Et ce n’est pas rendre service au projet, ni à vous-mêmes, que de ne pas tout faire pour injecter cette réalité dans votre equity, même de manière imparfaite.

Les entrepreneurs qui sont déjà passés par l’exercice aiment à répéter que la bonne répartition a été atteinte lorsque tous les fondateurs se retrouvent au même niveau d’insatisfaction.

C’est un premier test de votre capacité à entreprendre, et vous ne regretterez pas de l’avoir pris au sérieux.

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